Présidentielle au Cameroun : un code électoral contesté, une opposition en quête de réformes

À l’approche de la présidentielle de 2025, le débat sur le code électoral refait surface. Jugé favorable au parti au pouvoir, il est au cœur des critiques de l’opposition, qui réclame depuis des années une réforme en profondeur. Face à l’inaction du gouvernement, les partis adverses se mobilisent pour en exiger l’application stricte. Une bataille politique qui s’annonce décisive.

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Un texte électoral à la solde du pouvoir ? À quelques mois de l’élection présidentielle de 2025, l’opposition camerounaise maintient la pression pour une réforme du code électoral. Jugé favorable au Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais (RDPC), ce texte est au cœur des débats depuis son adoption en 2012. Malgré les dénonciations, les propositions d’amendement peinent à aboutir.

Une bataille engagée de longue date Depuis son entrée en politique en 2011, Maurice Kamto, leader du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC), plaide pour une refonte en profondeur du code électoral. « Lors de l’élection présidentielle de 2018, Elecam a violé l’article 80 du code électoral, entraînant un taux de suffrages valablement exprimés de 100,48 % », rappelait-il le 9 janvier dernier. « Autrement dit, il y avait plus de votants que d’inscrits. Nous ne pouvons plus laisser cela se reproduire. »

Dans son fief de Yaoundé, le MRC continue de contester un code électoral jugé « partial ». Maurice Kamto, qui avait recueilli 14,23 % des voix face aux 71,28 % de Paul Biya en 2018, estime que la législation actuelle empêche toute alternance démocratique. Pourtant, malgré cinq scrutins organisés sous cette loi, le texte reste inchangé et alimente les contestations.

Entre biométrie et « biyamétrie » L’un des principaux points de discorde reste le mode de scrutin à un seul tour, considéré comme un levier pour le maintien du RDPC au pouvoir. Joshua Osih, président du Social Democratic Front (SDF), fustige également une mise en œuvre biaisée de la biométrie. « Comment peut-on parler de biométrie à l’inscription si, le jour du vote, il suffit que deux personnes vous reconnaissent pour voter ? », interroge-t-il.

D’autres critiques portent sur la composition d’Elections Cameroon (Elecam), jugée trop proche du parti au pouvoir, et sur le maintien du bulletin de vote multiple, dénoncé par le Parti Camerounais pour la Réconciliation Nationale (PCRN) de Cabral Libii.

Des fraudes électorales récurrentes La présidentielle de 2018 avait été marquée par un contentieux post-électoral houleux. L’opposition avait notamment dénoncé l’attribution de 1,5 million de voix à Paul Biya via 32 procès-verbaux jugés douteux. « Tout le monde l’avait vu en direct, mais aucune avancée n’a été faite depuis », déplore un cadre du MRC. « Cette situation décrédibilise notre démocratie. »

Des propositions pour un vote plus transparent En 2021, une coalition de 15 partis d’opposition, 12 organisations de la société civile et une cinquantaine de citoyens ont soumis un document de propositions à la présidence. Parmi les suggestions : un bulletin de vote unique, une durée de campagne prolongée de 15 à 30 jours, la réduction des cautions, l’interdiction des bureaux de vote dans les casernes, le vote obligatoire et une meilleure représentativité d’Elecam.

Si ces recommandations ont été examinées par les services juridiques de la présidence, elles n’ont abouti à aucune réforme concrète. Pourtant, même Elecam a reconnu la nécessité d’« un aménagement de la loi électorale » et suggéré d’abaisser l’âge du vote de 20 à 18 ans pour l’harmoniser avec l’âge pénal.

Biya face à la pression politique Lors de la présentation des vœux de 2025, Patricia Tomaïno Ndam Njoya, leader de l’Union Démocratique Camerounaise (UDC), a interpellé Paul Biya sur une possible réforme du code électoral. La réponse du chef de l’État a été énigmatique : il s’est contenté de rappeler qu’il n’agit qu’en fonction de la Constitution et qu’il n’avait « jamais été informé » des propositions alternatives de l’opposition.

Un combat loin d’être terminé Faute de réforme, l’opposition concentre désormais ses efforts sur l’application stricte du code en vigueur. Le MRC a notamment saisi le Conseil constitutionnel pour contraindre Elecam à publier la liste électorale nationale. Une procédure qui a permis de combler un vide juridique sur cette question.

Alors que la présidentielle approche, la bataille autour du code électoral reste plus vive que jamais. Pour l’opposition, il ne s’agit plus seulement de changer les règles du jeu, mais de s’assurer qu’elles soient respectées. Reste à savoir si ces efforts suffiront à éviter une nouvelle crise post-électorale en 2025.

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